Le libre arbitre est un problème métaphysique

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10 Responses to Le libre arbitre est un problème métaphysique

  1. luestan dit :

    Vous écrivez: « nous pouvons alors être tentés par des raisonnements du type :
    Puisque nos comportements sont causés par l’activité d’une partie de notre cerveau, le libre arbitre est une illusion. »

    Si nous nous identifions à cette activité de notre cerveau, le libre arbitre n’est une illusion que si elle est entièrement déterminée par le monde extérieur. Mais cette réponse à des stimuli externes est conditionnée par la structure interne du cerveau qui d’une façon ou d’une autre dépend de notre passé. Ce serait donc notre passé, c’est à dire nous, qui causerait notre comportement.
    Et si le « fantôme dans la machine » était notre passé?
    Imaginons un ordinateur qui, gardant en mémoire toutes ses opérations en les introduisant dans son logiciel, ne répondrait pas deux fois de suite de façon identique à des stimuli identiques…
    Le juge qui condamne un prévenu pense ainsi modifier son comportement à venir (en bien?), sans se rendre compte que par la même occasion il modifie le sien.

  2. Francois Loth dit :

    Lorsque l’on estime que le libre arbitre doit s’émanciper des évènements causaux internes aux agents parce que l’on pense que le concept de liberté est incompatible avec le déterminisme causal, il faut faire appel à une autre forme de causalité qui tire son pouvoir en dehors de la causalité ordinaire. Ce pouvoir est tel que dans une situation inchangée, la même personne étant restée elle-même inchangée, l’agent aurait pu agir autrement. C’est mystérieux ou c’est une illusion.

    Selon certains neuroscientifiques, c’est une illusion dans la mesure où le libre arbitre requiert que le déterminisme soit faux et qu’ils montrent que le déterminisme est vrai. Selon certains philosophes, la liberté est aussi incompatible avec le déterminisme mais comme le libre arbitre existe alors « Free Will Remains a Mystery ».

  3. luestan dit :

    S’il s’agit du déterminisme des lois physiques, il ne s’applique qu’à des situations relativement simples, stables et reproductibles, où la même cause produira toujours les mêmes effets. Mais je crois que cela ne s’applique pas à l’ensemble de l’univers, qu’on ne peut expliquer à partir d’un simple enchaînement contraint par l’ensemble des lois physiques (y compris celles que nous ne connaîtrions pas encore). N’est-ce pas ce que nous enseigne la physique quantique?
    Je crois que cela ne s’applique pas non plus au fonctionnement conscient du cerveau qui fait intervenir l’ensemble du cerveau (contrairement à un simple mouvement réflexe), et parce qu’aucun état du cerveau n’est reproductible. Mentalement, une même personne ne peut pas rester inchangée. Chaque événement dans ce domaine est unique, et je pense qu’il n’y a pas de sens à se demander si « l’agent aurait pu agir autrement ».
    Ce qui n’est pas reproductible n’est pas contraint par le déterminisme, mais ne requiert pas pour autant que celui-ci soit faux.

    • Francois Loth dit :

      La question de savoir si l’agent dans mes mêmes conditions aurait pu agir autrement a un sens a priori pour évaluer la thèse du libre-arbitre. La question de savoir si un état du cerveau est reproductible est autre. Ce que l’on cherche à capturer c’est notre conception du libre-arbitre.

      Je profite de votre commentaire pour dire deux mots (c’est peu !) concernant le lien qui est fait parfois entre l’interprétation de la physique quantique et le libre arbitre.

      Une interprétation de la physique quantique qui nous conduirait à une explication du libre-arbitre ne serait-elle pas quelque peu hasardeuse ? Que l’interprétation de la théorie quantique se trouve en désaccord avec le déterminisme du macro-niveau, celui des neurones par exemple, ou pour le dire autrement, que cet indéterminisme ne se « répercute » pas au macro-niveau n’est-il pas, finalement, un dilemme pour l’indéterminisme ? Les évènements mentaux (nos croyances, nos désirs) jouent un rôle dans l’explication de nos actions et des autres évènements mentaux qui sont aussi des évènements physiques dans le cerveau (je reprends ici la thèse de l’identité des évènements mentaux et physiques) et selon les tenants d’une conception du
      libre arbitre incompatibiliste, ces évènements pourraient être liés à une indétermination quantique. Quelle valeur donner à cet argument ?

      • q dit :

        Est-on certain que l’indéterminisme ne se « répercute pas » au macro-niveau ? Il me semble que la chimie et la biologie (contrairement à la mécanique) traitent essentiellement de phénomènes stochastiques et que les systèmes dit « chaotiques » (qu’on estime être impliqués dans le vivant) ont justement la particularité de répercuter au niveau supérieur les fluctuations du niveau inférieur. Bien sûr ça pose d’autres problèmes, celui de la cohérence notamment, mais n’est-ce pas une porte ouverte pour l’incompatibiliste ?

      • Francois Loth dit :

        à Quentin.
        Merci pour ce commentaire.
        A vrai dire, je ne crois pas que la recherche d’une conception du libre-arbitre qui ne soit pas en contradiction avec les avancées des neurosciences a besoin de la physique quantique. La convocation de la physique quantique en philosophie de l’esprit me paraît toujours un peu curieuse. Le déterminisme est une thèse métaphysique. Elle ne peut donc pas logiquement être associée à la possibilité de faire des prédictions. Ce n’est pas parce que les prédictions sont impossibles que le monde n’est pas déterministe.

      • q dit :

        Merci pour cette réponse.
        On peut douter de la pertinence de la physique quantique en philosophie de l’esprit (même si personnellement je la défend: http://ungraindesable.blogspot.fr/2012/01/pourquoi-la-physique-quantique-est.html ) mais l’idée d’une métaphysique en vase clos vis à vis de nos théories scientifiques me parait un peu problématique. Le déterminisme a quand même été beaucoup défendu, je pense, sur la base du succès de la physique classique. La physique moderne qui l’a remplaçée devrait donc au moins nous amener à nous interroger. ( A ce titre je suis plutôt d’accord avec la thèse de Ross et Ladyman dans « everything must go – metaphysics naturalised » qui affirme que la science doit informer la métaphysique. )
        De plus l’indéterminisme en physique quantique est quand même assez fort, puisque sa négation implique d’abandonner le principe de localité (théorème de Bell) – ce non pas en vertu de la théorie elle même, mais d’une contrainte méta-théorique apportée par les données expérimentales.

  4. Diligent Élisabeth dit :

    Votre blog est formidable. Je suis une petite lacanienne (voir dans Jean Claude Milner, l’œuvre claire Lacan, la science la philosophie, Seuil, 1995, page 37 l’apparition de ce gentil concept) et je m’amuse à croiser la pensée de Lacan avec celle d’autres philosophies. La lecture de votre texte que je croise avec « L’envers de la psychanalyse » (Séminaire sur les quatre discours formulés par Lacan vers 1969) me fait écrire ceci :
    L’hystérique n’a pas de libre arbitre puisqu’il est aliéné au discours de l’autre.
    L’universitaire dépend du ministre et de ses élèves.
    Le maître a besoin d’esclaves.
    L’analyste est cause de lui même, cause de son discours. C’est le plus libre. Mais c’est un personnage assez rare dans notre monde. Rare et contesté.
    Pour ce qui est des neurosciences, petit à petit, je me fais ma religion. De formation médicale, je suis curieuse de lire leurs découvertes mais je préfère celle de Freud, revue par Lacan, antiphilosophe nous dit Alain Badiou. Dans ce blog de métaphysique est ce qu’on a le droit de proposer un blog Lacanien ?
    LACAN QUOTIDIEN
    http://www.lacanquotidien.fr/blog/2012/10/lacan-quotidien-n244-andre-gide-linquieteur-de-franck-lestringeant-par-philippe-hellebois/
    Je vous remercie

    • Francois Loth dit :

      Merci pour votre commentaire.

      Je serais bien indigent dans une réponse que je pourrais apporter à ce que vous dites au sujet de Freud et Lacan. En revanche, concernant Alain Badiou, je ne suis pas certain que l’orientation métaphysique de ce blog – orientation métaphysique analytique – corresponde à son travail.

  5. Bug-in dit :

    Pour moi le libre arbitre est un questionnement pragmatique (formation de la réflexion, mise en place de compétence pratique, usage au bon moment, aux bon endroits, avec les bons moyens), qui in fine trouve sa représentation pratique a travers l’Histoire.

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