Pourquoi le monde existe. Une réponse à Markus Gabriel

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Le « nouveau réalisme » 2

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12 Responses to Pourquoi le monde existe. Une réponse à Markus Gabriel

  1. Je ne sais pas pourquoi on n’envisage jamais la possibilité qu’il n’y ait rien du tout, ni le monde, ni le reste

  2. DéfiTexte dit :

    C’est la physique, pas la philo qui dit ce qui existe ! Voyez-vous la philo dire que le boson de Higgs ou bien la matière noire existe ? Avant de demander ce qui existe, d’abord: c’est quoi exister ? Sinon, comment affirmer que des quantas à réalité statistique existent pour faire partie de notre tout, qu’un tout peut exister comme un élément, qu’existe l’égalité construite par une démonstration entre la somme des angles d’un triangle et un angle plat ? Puis l’ontologie est la science de l’être, pas des choses. Sinon l’ontologie ne dirait rien du non-être ni de l’être en tant qu’être. Sinon elle ne considérerait pas l’être en plusieurs sens. Sinon l’ontologie évoluerait au rythme de la physique entre, disons, Parménide et Sartre.

  3. Spoutnik dit :

    Beaucoup de points intéressants abordés dans ce billet… Vous le terminez par la question philosophique par excellence (selon Searle et vous-même) : « Comment tout cela tient-il ensemble ? ». Or, c’est justement ce « présupposé » philosophique que Markus Gabriel remet en cause, d’après ce que j’en ai compris en tout cas. Il dit constater par exemple que tout n’est pas en relation avec tout, que sur le plan physique par exemple, tout n’est pas dans une relation de causalité avec tout. En ce sens, parce qu’il ne serait pas cohérent, le concept de monde ne serait pas pertinent, et il devrait donc être jeté à la poubelle de la métaphysique.

    Même si je n’adhère pas du tout à ce genre de thèse, il me semble quand même que la question de savoir s’il y a une unité du monde, s’il existe UN monde, se pose. Le monisme est une position philosophique qui doit se justifier. Il ne doit donc pas être un point de départ du questionnement philosophique, contrairement à ce que semble dire votre conclusion.

    • Francois Loth dit :

      Le monisme n’est pas ici posé comme point de départ de la métaphysique. La question moniste, pour la résumer, se demande s’il y a une pluralité de choses ou seulement une chose.

      Le moniste est une thèse métaphysique au sujet du monde. Lorsque l’on affirme que le monde existe, on veut dire qu’il est le nom de « tout ». A partir de cela on peut défendre le monisme ou la dualisme, par exemple, qui croit qu’il y a dans le monde deux genres de choses. Disons que le monisme s’oppose à notre sens commun qui se représente le monde comme composé d’une multitude de choses individuelles. Mais, selon le monisme cette thèse du sens commun est une illusion. Pour le monisme, il faut différencier la manière dont le monde nous apparaît de ce qu’il est réellement.

      Si l’on est dualiste et que l’on soutient qu’il existe plus d’une sorte de choses dans le monde, on n’échappe pas pour autant à la question de savoir comment ces choses sont reliés dans le monde.

      Bref, faire usage du terme « monde » comme un tout ne revient pas à affirmer que tout soit physique par exemple.

    • Spoutnik dit :

      Merci pour cet éclaircissement mais il faudrait je crois d’abord s’entendre sur la notion de « monde comme un tout ». Est-ce que cette notion implique tout ce qui est concevable et imaginable, comme les licornes sur la lune pour reprendre les mots de G. Markus, ou est-ce que cela recouvre seulement tout ce qui existe ? Dans le premier cas de figure, il semble absurde d’affirmer l’existence du monde tout entier, dans le second cas, le monde existe par définition, non pas nécessairement comme un tout cohérent mais au moins comme un ensemble.

      • Francois Loth dit :

        Une des caractéristiques de nos pensées est l’intentionnalité. Nous pouvons penser à certaines choses ; nos pensées ont un objet. Je peux penser à des objets qui existent dans l’espace et le temps comme ma table de travail ou la tour Eiffel ou à des abstraits, comme des ensembles, des nombres ou des universaux.

        L’intentionnalité nous permet de penser également à des choses qui sont des fictions, comme Don Quichotte ou des licornes. Ce sont des objets de ma pensée.

        « Etre » le personnage de Cervantès ou un animal fabuleux et « exister » en ce qui concerne Don Quichotte et une licorne ne semblent pas signifier la même chose. Mais la discussion est ouverte… En revanche concernant un « rond-carré », nous sommes certains que cela n’existe pas.

        Se demander ce que cela veut dire pour le monde de contenir des choses qui n’existent pas ou des choses abstraites comme les universaux, est une question métaphysique. Le monde est le nom donné à la totalité. Pas seulement à certaines choses ayant une structure particulière, comme les choses qui sont dans l’espace et le temps, mais à tout. Et nos pensées sont dans le monde.

        Affirmer que le monde existe comme un tout cohérent revient à dire qu’il y a une caractéristique qui appartient à toutes les choses, qu’il y a une caractéristique du tout.

        Pour clarifier tout cela, quel meilleur conseil donner que celui qui incite à ouvrir à lire un bon livre de métaphysique, par exemple, Metaphysics de P. van Inwagen.

  4. Jlparm dit :

    Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement !

    • Spoutnik dit :

      C’est Vrai ! Mais le hic, c’est que ce qui semble confus pour les uns parait souvent plutôt clair pour les autres… Encore un mantra à méditer ? Peut-être, mais pas en position du lotus s’il vous plait, c’est inutile.

  5. Sage Canpell dit :

    merci pour ces billets éclairants et ce travail salutaire. Il ne faut pas laisser les sophistes nous en laisser compter. Il en est des Wunderkinder comme des autres Kinder : s’ils ne sont pas sages, il ne faut pas laisser faire sans réagir, car ensuite ils se croient tout permis.

    • Francois Loth dit :

      Merci pour votre commentaire. C’est vrai que Markus Gabriel est présenté partout (enfin dans les media) comme un jeune prodige. La philosophie de l’argument, comme vous semblez le suggérer, ne doit pas se laisser subjuguer par quelque jonglerie que ce soit. Un slogan, même stupéfiant, comme « le monde n’existe pas » n’est qu’un slogan !

  6. Charles Tricon dit :

    Bonjour !

    Merci pour votre travail d’analyse dans le premier billet et de critique dans celui-ci.

    Je suis d’accord dans le fond, Markus Gabriel donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre : le monde. Comment, en effet, prétendre continuer à faire de l’ontologie (ce grand catalogue) sans le monde ? C’est clairement de l’hypocrisie philosophique ou l’expression des sursauts d’un nihilisme navrant 😦

    Mais, s’il fallait pour notre société en passer par là pour comprendre que le sens de toutes ces digressions fort intéressantes ne s’expérimentent qu’en pensée ?
    Je m’explique par un exemple.
    Ce qui intéresse John Lowe dans le passage de votre article semble être de savoir si la pensée peut s’extraire d’elle-même pour penser l’absolu.
    La dernière phrase du passage illustre cette préoccupation :  » Il est vrai que nos pensées n’existeraient pas si nous ne pensions pas à elles, mais cela ne veut pas dire que nous devons penser à elles pour qu’elles existent « .
    Ici, l’usage du terme « pensée » prête à confusion et crée un paradoxe volontaire affirmant l’existence et l’inexistence des pensées. Le terme « pensée », je suppose, est utilisé de manière double par Lowe pour désigner d’une part la simple « expérience de la pensée », et d’autre part la réflexivité (penser à « l’expérience de la pensée » dans ce cas), ce qui semble dissiper le paradoxe.
    Pourtant, c’est conjointement l’oubli puis la mise en avant des deux sens ici présents du terme « pensée » qui, insidieusement, sert d’argument à la première partie du passage :  » Par «réalité indépendante de l’esprit», je veux parler de la somme totale des choses dont l’existence ne dépend pas de nos pensées à leur sujet. Car nos propres pensées ont une existence qui ne dépend pas de notre façon de les penser et constituent, en ce sens, une partie de la réalité indépendante de l’esprit.  »
    Ici, et c’est tout le drame, l’auteur semble oublier ce qu’il fait fondamentalement en écrivant ce passage : il pense.
    Attention, je ne nie pas qu’une partie de ce que Lowe dit est pertinent. Il serait très bête de nier qu’il y a une réalité indépendante de la pensée, par exemple qu’il y a eu un soleil bien avant l’apparition de la vie sur Terre. Ce n’est pas mon propos, à l’inverse par exemple de Quentin Meillassoux ou Makus Gabriel et des « nouveaux réalistes » de manière générale dont l’angoisse intellectuelle infiniment moderne tourne autour de la question de l’existence ou de l’inexistence des choses.
    Ce que je crois, c’est qu’il ne faut pas confondre deux aspects de la vie dans ce qu’elle a d’expérientiel (confusion que beaucoup d’intellectuels ont tendance à faire dans des élans de toute-puissance bien compréhensibles) : respectivement « la pensée » et « ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée ».
    N’allez rien voir de mystique caché là-dessous comme on pouvait le deviner par exemple chez le premier Wittgenstein.
    Là où il n’y a pas de pensée, par exemple dans le sensible, aucune question ne se pose, aucune n’est pertinente, seules comptent les sensations.
    Par conséquent, l’absolu, on peut le penser puis en parler : il y aura des choses vraies et d’autres fausses, d’autres pertinentes et d’autres absurdes.
    Et si on doit, et on peut, penser l’existence d’un réalité autre que celle de la pensée (comme la sensation par exemple ou ce qui peut être au-delà de l’expérience si cela a un sens d’y penser), il faut faire très attention de ne pas oublier, comme semble malheureusement le faire John Lowe et presque tous, que ce qui est expérimenté, c’est toujours une pensée et non pas de ce « réel » dont on parle. Tout ceci, encore une fois, n’empêche pas de dire des choses vraies et fausses sur le monde, par la science ou par tout autre pensée rationnelle.
    La question de l’existence ou de l’inexistence du monde n’est juste plus pertinente. La pensée et, plus loin, le sujet, semblent avoir besoin d’un monde pour exister, n’en déplaisent aux angoisses infantiles de Markus Gabriel. Mais ce monde n’est pas non plus en dehors de la pensée comme si celle-ci pouvait, métaphysiquement, tout englober et se sustenter elle-même.

    Je crois que l’étape du modernisme à été vraiment franchie non pas par les « nouveaux réalistes » mais plutôt par ce qu’on appelle aujourd’hui les « contextualistes » comme Charles Travis ou Jocelyn Benoist.

    Bonne journée !

    Charles Tricon.

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