Le « mystère » de la conscience et Mary qui voit rouge

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On peut désormais lire « Le ‘mystère » de la conscience et Mary qui voit rouge » sur la nouvelle version du site, ICI

 

zèbre

16 Responses to Le « mystère » de la conscience et Mary qui voit rouge

  1. Spoutnik dit :

    Bonjour,

    Ça fait plaisir de vous revoir actif sur le problème corps-esprit.

    J’aurais beaucoup de choses à dire sur votre billet comme souvent mais je me contenterai pour le moment de réitérer ce que j’avais déjà dit ici sur McGinn il y a quelques temps… à savoir qu’il ne faudrait pas se méprendre sur sa position ontologique (concernant ce qui existe « réellement ») qui est souvent amalgamée avec sa position épistémologique (concernant ce que l’on peut connaître de la réalité). Sur le plan ontologique, McGinn est en effet explicitement moniste, naturaliste et matérialiste, comme vous ! Et contre les dualismes ontologiques.

    Lorsqu’il parle de « miracle » de la conscience, comme dans le texte que vous avez cité, ce n’est évidemment pas pour dire que la relation de causalité ou d’identité entre le cérébral et le mental est *réellement* miraculeuse, mais plutôt, et c’est important, qu’elle *semble* l’être avec nos schèmes conceptuels. Or, comme McGinn ne croit pas aux miracles, il considère que nos schèmes conceptuels sont insuffisants. Il poursuit dans sa logique en affirmant qu’avec notre système cognitif naturel, programmé en quelque sorte par notre évolution biologique, nous ne pourrons produire que des concepts insuffisants sur cette question. Et il explique pourquoi.

    Pour McGinn, il n’y a absolument rien qui ne soit physique ou qui n’obéisse à des lois naturelles. Et il n’y a pas même de problème ou de « mystère » spécifique à la conscience. Car il y a aussi, après tout, un mystère de la dualité onde-corpuscule, de l’intrication des états quantiques, de l’absence de masse de la particule photon, de l’instant 0 du bigbang etc. Et plus généralement, il y a pour lui un mystère de tout ce que nous ne comprenons qu’en termes fonctionnels, en termes de propriétés relationnelles comme l’électromagnétisme ou la gravitation par exemple. De tout cela, il en parle aussi et il a écrit des ouvrages là-dessus (notamment ‘Basic structures of reality’)

    En bref, McGinn ne doute pas du fait que les états mentaux sont fondamentalement des états physiques. Il constate juste que 1. nous n’arrivons pas à concevoir leur identité, et 2. nous n’arrivons pas même à concevoir en quoi consisterait une telle identité.
    Il n’y a pas pour lui de « point de vue de Dieu » en l’homme qui nous permettrait de comprendre en quoi consiste l’identité entre notre douleur au doigt et l’activation de certaines fibres C dans l’aire W.

    • Francois Loth dit :

      Merci pour ce commentaire.

      Vous avez raison de bien distinguer ce qui relève d’une position épistémologique d’une autre qui serait métaphysique.

      Ce sur quoi j’insiste dans ce billet concerne surtout l’interprétation que fait McGinn des observations en termes de propriétés physiques d’un cerveau et qui l’amènent à penser que le phénomène de la conscience, corrélé à une certaine activation d’une ou plusieurs zones de ce cerveau, est un mystère cognitif. Au fond, il nous réintroduit le fameux « fossé explicatif » entre les phénomènes physiques et ceux de la conscience.

      Si l’on ne peut actuellement (ou jamais) décrire les expériences de la conscience avec un discours tiré de la physique ou des neurosciences cela ne nous permet pas d’inférer que les expériences de conscience ne sont pas des expériences neurologiques.

      • nadjiwill dit :

        Merci pour votre réponse.

        Justement, McGinn ne fait pas cette inférence là et cette inférence n’est pas présente non plus dans l’idée de « fossé explicatif », comme l’avait souligné Levine (à l’origine de cette expression).

        Un dualiste en revanche fera bien cette inférence parce qu’il estime que lorsqu’il est question du phénomène de la conscience, il n’y a pas de différence à faire entre les apparences et la réalité car dans ce cas « l’apparence est la réalité » (cf. Kripke, Nagel, Jackson, Chalmers, même Searle à sa façon). Je simplifie à l’extrême bien sûr car vous connaissez tout ça mieux que moi.

        Ce que j’aimerais comprendre de la thèse de l’identité des types psychophysiques que vous défendez je crois c’est comment elle se justifie, puisque nous ne pouvons pas établir conceptuellement cette identité, et qu’elle ne répond pas à un des principes fondamentaux de l’identité qui est la transitivité (si M=P alors P=M…). La réduction du mental au physique est en effet toujours asymétrique.

  2. […] Lorsque je me donne un coup de marteau sur le doigt je ressens une douleur vive que l’on explique par une chaîne d’événements qui, partant des tissus meurtris, conduit à la stimulation de terminaisons nerveuses pour aboutir à une activation d’une zone de mon cerveau qui joue un rôle dans mon comportement. En fait, quelque chose de relativement incompréhensible vient de se produire. Comment l’activité d’une zone de mon cerveau peut-elle être reliée à cet élancement que je localise assez distinctement dans le doigt ?  […]

  3. Francois Loth dit :

    Merci Nadjiwill pour ce commentaire.

    Il y a le dualisme des substances et celui des propriétés. Dans le cadre ontologique du monisme de la substance, les dualistes d’aujourd’hui soutiennent un dualisme des propriétés (propriétés mentales et propriétés physiques). On parle de « type » mental et de « type » physique. La thèse de l’identité des propriétés semble soutenir une identité des types. J’écris « semble » car la notion de « type » est ouverte à la discussion. En fait, tout dépend du concept de propriété que l’on avance. Et là, on entre dans le débat entre propriétés universelles et propriétés particulières (tropes). Bref, selon la clarification ontologique que l’on va défendre, l’identité des propriétés mentales et physiques est concevable et dans ce cas, il n’est plus question vraiment de réduction.

    Comme on le voit, il nous faut avant tout clarifier l’ontologie sous-jacente (qu’est-ce qu’un type ? qu’est-ce qu’une propriété ? etc.) si l’on veut débloquer le problème.

  4. j’ai été frappé, cher François Loth, de la comparaison entre le début de votre billet et celle d’une « introduction au modulisme » que j’avais rédigé naguère. Il me semble que le rapprochement qu’on peut faire suggère qu’un dialogue entre nous est possible sur nos conceptions réciproques de la conscience ! Permettez-moi de me citer :

    « Je partirai d’un fait très simple : une bûche m’est tombée sur le pied et le pied me fait mal. Après réception du message nociceptif, l’idée d’une douleur à mon pied gauche s’est certainement inscrite dans le circuit des connexions. L’idée, oui, mais pas la substance de la douleur qui se présente comme une force agressive et nettement localisée. J’ai ôté ma chaussure, ma chaussette et le dessus de mon pied, gonflé et rougissant, témoigne d’une présence maligne que mes doigts en palpant animent avec violence. A l’évidence la douleur est dans mon pied et n’est pas ailleurs. Le quale a bien une existence corporelle, localisée sûrement.
     
     
    Cependant l’existence de membres fantômes pour les amputés, l’observation de douleurs à la jambe ou au bras par par des cul-de-jatte ou des manchots font définitivement une illusion de cette évidence. Comment la douleur pourrait-elle être localisée dans une partie de la jambe puisque ceux qui en sont privés peuvent y ressentir une douleur quand même ? Bernard Renaud rapporte dans un article de POUR LA SCIENCE comment des femmes, amputées d’un bras, pouvaient, en se maquillant les alentours de la bouche, ressentir une violente douleur à leur bras absent. Des chercheurs ont montré que les récepteurs péribuccaux se trouvaient désormais reliés dans le « corps de Penfeld » à des représentations corticales de ce bras.
     
     
    J’imagine (hypothèse atroce !) que la bûche m’est tombée exactement sur le petit orteil. Ce petit orteil est vraisemblablement relié à un seul module cortical dans la représentation du pied. Les quelques milliers de neurones qu’il comporte vont, sans doute en grand nombre, entrer en activité. Ce module va donc être le siège de phénomènes électriques (parcours de potentiels d’action), chimiques (fabrication de neurotransmetteurs), magnétiques (j’en reparlerai) importants. Tous ces phénomènes vont être exactement contemporains de la sensation de douleur aiguë qui me fait gémir et que je ressens au petit orteil. Pourquoi alors ne pas concevoir que ces phénomènes vont directement et localement induire la substance même de la douleur ? S’il y a un module pour le petit orteil gauche, il y en a un autre pour le petit orteil droit. Si c’est l’orteil droit qui est meurtri, ce sera aussi le module de l’orteil droit qui sera affecté, on pourrait dire aussi infecté par la sensation douloureuse. Ainsi la douleur serait bien une réalité corporelle et donc matérielle, localisable comme toute réalité matérielle et qui changerait de nature du seul fait qu’elle changerait de lieu de production. Le corps de Penfeld serait le véritable corps sensible et les phénomènes physico-chimiques qui s’y produisent localement de façon consécutive au message provenant de telle ou telle partie du corps engendrerait la douleur ou plus généralement la sensation de façon directe, immédiate et spécifique au module « sensibilisé ».
     
     
    Pourquoi pas ? Je ne suis aucunement capable de démonter cette hypothèse qui, je l’avoue quand même, ne me satisfait pas du tout. D’abord parce que j’en suis resté à l’idée d’un cerveau insensible, c’est à dire formé d’un tissu qui ne réagirait pas aux excitations pour la bonne raison d’ailleurs qu’il ne serait pas parsemé par les terminaisons des récepteurs sensoriels. Ensuite parce que les observations sur les douleurs aux membres fantômes, en ayant ôté crédit à l’existence de sensations contenues dans le corps extra-cérébral, me semble aussi ôter crédit à l’existence de sensations localisées différemment dans le cerveau. Le besoin que nous avons de considérer ces sensations comme existant en dehors du circuit des connexions provient du fait qu’elles comportent un aspect affectif intense qui disparaît dans les entités abstraites produites par le cerveau computationnel. Tout se passe comme si nous distinguions dans les sensations spatialement situées un aspect proprement substantiel et intensif et un aspect de localisation qui aurait un fondement corporel et donc matériel. Il y aurait donc alors, comme le langage l’indique quand nous disons : « j’ai mal à mon petit orteil » ou « mon petit orteil me fait mal », une sensation de douleur interne qui se situerait dans le petit orteil. Dans le petit orteil et non dans le gros, dans le petit orteil droit et non dans le gauche. Sensation qui serait alors transportée et resituée dans un même repère spatial à trois dimensions dans les modules du cortex. Or la distinction que le langage opère ne me paraît pas exister dans le quale de la sensation. Je ne ressens pas une douleur et une localisation de cette douleur. Je ressens une sensation particulière que je peux qualifier de douloureuse et que je puis distinguer de sensations douloureuses voisines, ce qui me permet de la situer dans un certain repère corporel. Mais cette opération par laquelle je situe cette sensation dans mon corps est une opération de pensée qui ne peut intervenir que lorsque l’information dérivant du ressenti premier est engagée dans le circuit des connexions. Autrement dit, je ne « sens » pas que ma douleur est dans le petit orteil, je le « pense ». Ce que je sens dans sa pureté de quale ne peut appartenir qu’au domaine -adimensionnel- des sensations. Il n’y a donc aucune raison de ce point de vue de vouloir faire sortir le quale du circuit des connexions pour l’installer dans un espace à trois dimensions reproduisant celui du corps où il est pensé être ressenti.
     
     
    Une autre raison qui m’empêche d’adhérer à ce qu’on pourrait appeler la « théorie des modules sensibles », c’est qu’elle conduit à une atomisation de la conscience singeant la structure atomique de la matière. Ce qu’on a pu voir pour la douleur au petit orteil pourrait être transposé pour chaque type de sensation : somesthésique, tactile, olfactive, sonore, visuelle… Dans le million de modules corticaux que comporte le cortex visuel primaire naîtraient ainsi un million de points de conscience colorés, encollés on ne sait comment et qui produiraient l’image qu’on a sous les yeux. Non, pour moi, la question est tranchée définitivement. Les modules corticaux ne sont pas plus sensibles que le corps auxquels ils sont reliés, corps lui-même aussi insensible qu’un caillou.
     
     
    Mais si la douleur sentie à l’orteil ne se trouve ni dans l’orteil, ni dans le module cortical de l’orteil, ni -c’était notre a priori- dans le circuit des connexions, où peut-elle être alors ? Bien sûr on peut toujours dire que la question de la localisation matérielle de la douleur n’est pas pertinente, que la douleur en soi ne se situe pas. Mais on ne peut nier que ce qui se rapporte à la douleur existe matériellement dans l’espace du corps et existe d’un façon qui donne pertinence à la notion de lieu. Si la douleur n’existe pas dans l’orteil, il existe bel et bien un message algique sous forme de potentiels d’action dans les axones d’un nerf qui part de l’orteil et qui, par divers relais, provient au module de l’orteil. Et si ce message algique est empêché de parvenir au module cortical, eh bien la douleur ne sera pas ressentie, n’aura pas donc d’existence. Ensuite, du module activé vont partir dans les axones « triés » en fonction des atteintes à l’orteil (écrasement, coupure, friction…) des potentiels d’action qui vont transformer dans le circuit des connexions le message sensoriel en une information significative que le langage pourra formuler. Mais si je dis que la douleur à l’orteil existe avant la la constitution de cette information et qu’elle existe à la fois après que le message algique est parvenu au module puisqu’elle n’existe pas dans le module, il faut bien qu’elle se produise ailleurs et il est pertinent de se demander où. … »

  5. Francois Loth dit :

    Merci pour votre commentaire.

    Lorsque l’on cherche à rendre compte de la douleur (ou d’une propriété mentale en général) d’un point de vue physique, on conserve l’impression de laisser quelque chose d’essentiel à cette douleur (ou cette propriété mentale) de côté.

    On peut préciser savamment comme vous le faites mais lorsque l’on croit saisir le lieu, il nous échappe.

    La question du lieu de la douleur nous impose peu ou prou de poser un corrélat neural de la douleur. Mais lorsque l’on pose un corrélat de la douleur on s’engage dans une ontologie constituée de deux types de propriétés : des propriétés physiques (neurales) et des propriétés mentales (l’effet que cela fait de ressentir une douleur). Comment interpréter cette corrélation ? Comme l’une causant l’autre ? Comme l’une émergeant ou survenant sur l’autre ? Où comme une sorte d’identité ?

  6. Patrick Gélard dit :

    Bonjour,

    Billet trés intéressant.

    Connaissez-vous peut être les travaux de Michel Bitbol sur la conscience dans la continuité des thèse du neurobiologiste Francisco Javier Varela ?

    Cliquer pour accéder à michel-bitbol-conscience.pdf

    http://pourlinstant.net/2014/04/09/la-conscience-a-t-elle-une-origine-une-enquete-au-coeur-de-lesprit/

    Cliquer pour accéder à ConscienceVarela.pdf


    http://michel.bitbol.pagesperso-orange.fr/articles.liste.html

    Un témoignage d’un aveugle de naissance qui parle de sa non perception des couleurs : http://www.madmoizelle.com/aveugle-explique-couleurs-137155

    La synesthésie ( http://neurowiki2014.wikidot.com/group:synesthesia ) montre en mon sens la différence entre l’expérience sensorielle vécu (L’effet que cela fait) et les causes physicalistes possibles. Percevoir des couleurs en écoutant de la musique dans le noir le plus complet.

    Cordialement,
    Patrick

    • Francois Loth dit :

      Merci pour ce commentaire et les liens.

      Les recherches de Michel Bitbol sont, en effet, des travaux importants d’un point de vue phénoménologique au sujet de la conscience.

      Je me permets de vous renvoyer à la lecture d’un compte-rendu de son dernier livre La conscience a-t-elle une origine ? Cette recension de Denis Forest exprime assez bien ce qui sépare l’approche de Michel Bitbol de certains arguments développés et discutés en philosophie de l’esprit universitaire qui ne se positionne pas comme une alternative à la recherche en neurosciences par exemple.

      http://www.laviedesidees.fr/Science-sans-conscience.html

      Ceci dit, M. Bitbol intègre tous les problèmes que se posent la philosophie de l’esprit contemporaine. Et on ne saurait trop conseiller la lecture de ses ouvrages.

      • Patrick Gélard dit :

        Le regard Critique porté par Denis Forest sur l’ouvrage de Michel Bitbol, la conscience a t-elle une origine, est intéressant à connaître.

        Merci pour le lien.

        Cela montre la difficulté de la tâche qui serait de chercher à vouloir capturer toutes les facettes de nos expériences conscientes vécus dans un langage symbolique.

        Dans un autre registre la leçon inaugurale, au Collège de France Collège de France, prononcée Karol Beffa sur « Comment parler de musique ? » L’expérience vécu de la musique commencerait-elle lorsque les mots s’arrête ?

        Cordialement,
        Patrick

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