L’ultime dualisme de Benjamin Libet

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21 Responses to L’ultime dualisme de Benjamin Libet

  1. Lalige dit :

    La Princesse Élisabeth de Bohème aurait aimé … en parler avec Descartes

    • fabian daurat dit :

      Quelle tentative illusoire, et même dérisoire, que de vouloir sauvé le libre arbitre. Il est plus sûrement mort que Dieu.
      La « conscience » ne dispose d’aucun droit de véto, c’est une instance spectatrice, ça fait mal à ceux qui ne connaissent pas l’humilité, mais c’est comme ça.
      Il fallait le prouver, Haggard l’a fait : quand il y a annulation de la décision, l’annulation procède elle-même exactement comme la décision, c’est une autre décision qui remplace la première, c’est à dire un autre événement en réalité observé, et non décidé, par ce que l’on appelle la conscience.

      • Francois Loth dit :

        Merci pour cette opinion très claire et très tranchée à propos du libre-arbitre.

        D’un point de vue philosophique, toutefois, cette opinion peut apparaître comme un point de vue qui donne un peu trop systématiquement à la science seule les clefs de l’interprétation du concept de libre-arbitre.

        La position compatibiliste par exemple, défendue aujourd’hui par une grande majorité de philosophes au sujet du libre-arbitre se veut cohérente avec le déterminisme. Pour le compatibilisme, les résultats des expériences scientifiques, celles de Haggard par exemple, n’entrent pas en contradiction avec un concept de libre-arbitre. Le concept populaire de libre-arbitre peut en effet produire l’illusion d’un sentiment de liberté tout puissant. Le compatibilisme propose, quant à lui, une révision de ce concept.

        Ce que nous appelons « liberté » n’a en effet rien à craindre de la science qui ne peut que nous aider à préciser ce qu’elle est vraiment. Ainsi, plutôt que de nous crisper à défendre le dernier carré d’une liberté ex nihilo qui n’a, au fond, jamais existé, un travail philosophique constructif pourrait consister à essayer de clarifier ce qu’est « notre » liberté dans ce monde physique. Ce travail pourrait commencer par exemple par bien distinguer « causalité » et « déterminisme ». Ainsi, l’état du monde à t qui a sa cause dans un état précédant à t-1 ne doit pas être confondu avec un avenir qui serait fixé à l’avance. Reconnaître que les causes et les effets se déploient entièrement à l’intérieur du domaine physique ne doit pas forcément nous conduire à éliminer notre concept de libre-arbitre. Cependant, ce que nous identifions comme le libre-arbitre doit se mettre à jour.

      • fabian daurat dit :

        Une opinion tranchée, avec un énorme participe passé au lieu de l’infinitif, j’en aurais honte si je croyais au libre arbitre, mais n’y croyant pas, fort heureusement pour moi, je n’ai honte de rien.

        Ce n’est pas la science qui m’incite à penser que le libre arbitre est une illusion pure, c’est l’observation de la vie, en d’autres termes, l’expérience. Les observations de la science dont il est question ici, elles ne font qu’abonder en ce sens.
        Le libre arbitre est à ce point autre chose que ce qu’il prétend être, que nul « compatibilisme » ne saurait le sauvegarder. C’est le concept entier qu’il faut abandonner.
        Le choix, la décision est une conséquence. La conséquence de ce que l’on pense, c’est à dire la conséquence de ce que l’on ressent. Car la pensée est avant tout constituée de substance affective, dont le logos est un prolongement. Chacun peut comprendre que l’on ne choisisse pas ce que l’on ressent. Ce que l’on comprend habituellement moins bien, c’est que toute substance noologique est d’abord éminemment affective. Kant a essayé de séparer, comme le blanc du jaune d’oeuf, l’inclination de la vertu, et c’est une tentative plus que laborieuse, elle est pathétique.

        Admirateur d’Edgar Morin (qui pourtant ne partage en rien mon opinion sur le libre arbitre) je suis prêt à considérer l’existence d’une boucle récursive, offrant au choix/décision une faculté de causalité, mêlée à sa nature de conséquence. Mais au regard de ce que l’on entend par « liberté », le lien est brisé, il faut admettre l’évidence, il n’y a pas davantage de libre arbitre chez l’homme qu’il n’y en a chez l’abeille, la spécificité d’Homo Sapiens, c’est la complexité de son activité, l’étendue de ses facultés cognitives, pas une quelconque liberté abritée par la conscience, n’en déplaise à Tolstoï.

  2. luestan dit :

    Voici les réflexions que me suggère l’expérience de Libet que vous nous présentez.
    Si elle avait montré que la décision consciente précède toute activité cérébrale spécifique (premier croquis), elle aurait validé la thèse dualiste.
    Mais en montrant qu’elle fait suite à un commencement d’activité cérébrale spécifique, laquelle continue jusqu’au geste, elle fait de la décision consciente le corrélat d’une activité cérébrale, ce qui suggère en effet qu’elle en est un épiphénomène (second croquis).

    Cependant, rien ne dit que l’activité cérébrale avant le moment de la décision consciente soit contraignante. Elle peut être alors un simple calcul de deux possibilités.
    Il n’est donc pas prouvé qu’il y ait « quelque chose en moi qui décide de ce que je vais faire mais ce « quelque chose » décide pour moi » (sans compter que le « moi » peut ne pas se limiter au moment de la conscience et peut être préconscient).
    On peut au contraire supposer que l’activité cérébrale devient contraignante seulement au moment de la décision consciente. On peut supposer qu’à ce moment l’activité cérébrale fait un acte non prédéterminé (choix entre oui et non) et que la conscience soit la marque de ce nouveau type d’acte. Il n’est donc pas besoin de recourir à l’hypothèse superflue d’un « droit de veto » in extremis.
    Il reste bien sûr a expliquer comment une activité cérébrale, donc physique, peut à un moment donné faire un acte non prédéterminé, quelque chose qui échappe aux lois physiques.

    • Francois Loth dit :

      Merci pour ce commentaire.

      Un épiphénomène est l’effet d’une cause qui ne possède pas de pouvoir causal. Lorsque l’on dit que la conscience est un épiphénomène on suppute qu’il existe une cause neurale au phénomène de la conscience et que celle-ci ne peut rien causer.

      Si l’on parle de « corrélat » on suppose alors que le phénomène de la conscience et l’évènement neural sont identiques. Les deux évènements se passent au même instant (il n’y en a pas un qui en cause un autre). Dans ce cas existent deux types de propriétés : des propriétés physiques et des propriétés de la conscience. Ce qui pose problème est le pouvoir causal que confère une propriété à son porteur, ici une personne. Si l’on voit très bien que les propriétés physiques du cerveau confèrent un pouvoir causal aux personnes (de lever le poignet par exemple) les propriétés de la conscience ne semblent pas, en revanche, posséder de pouvoir de leur propre chef. C’est ce qu’on appelle l’exclusion du mental dans l’explication physique.

  3. luestan dit :

    Merci pour ces précisions qui me semblent formuler le point de vue réductionniste.
    Pourtant, pour qu’un automobiliste s’arrête à un feu rouge, il ne suffit pas habituellement d’une réaction neuronale purement physique à une onde lumineuse spécifique (l’arrêt serait en ce cas réflexe et incontrôlable). Il faut qu’il ait vu la couleur rouge du feu, ce qui est un événement à la fois physique et mental. Je n’irais donc pas jusqu’à exclure le mental, dans la mesure où le mental me semble n’être que la traduction d’une propriété particulière d’un événement neuronal spécifique.

  4. Francois Loth dit :

    Lorsqu’un automobiliste voit un feu passer au rouge et qu’il freine pour immobiliser son véhicule, nous pouvons dire que la cause de cette immobilisation est le résultat d’une certaine croyance (que le feu est passé au rouge) et d’un certain désir (respecter le code de la route). Cette cause n’apparaît, en effet, pas comme un réflexe. La manifestation de l’esprit n’est pas une réponse réflexe même si nous automatisons partiellement certains gestes. La question qui se pose est alors celle de savoir si cette croyance et ce désir expliquent intégralement ce geste. On peut penser qu’il existera une certaine configuration neurale, au même instant où cette croyance et ce désir se produiront, qui permettra une explication entièrement physique du mouvement musculaire (du bras pour changer la vitesse du véhicule, et des pieds pour actionner les pédales du véhicule). Cette seconde explication causale entrera alors en conflit avec la cause mentale. Deux causes différentes, l’une mentale et l’autre physique, constituent un cas de surdétermination causale. D’une manière générale, les cas de surdétermination causale sont des faits rarissimes dans la nature. Alors il ne reste que la solution de choisir entre la cause mentale ou physique. Voilà typiquement posé ce que l’on appelle le problème de la causalité mentale. N’avons-nous alors à notre disposition que la réponse réductionniste ? Et si c’était le cas, si nous n’avions que cette réponse, à savoir que nous pouvons réduire la cause mentale à la cause physique, pourquoi penser que cela soit la fin du mental ? La fin d’une certaine conception du mental, par contre, oui,

    • luestan dit :

      Je souscris pleinement à la conclusion de votre réponse, conclusion que vous donnez au conditionnel (« si c’était le cas »). À mon avis, cette conception nous écarte non seulement du dualisme des substances, mais aussi du dualisme des propriétés.

  5. […] communiquer avec un autre cerveau? Le champ de conscience (voir article 14-2 chapitre 2) de Benjamin Libet, s’il existe, a une portée très limitée. Il est engendré par les hémisphères, mais […]

  6. […] communiquer avec un autre cerveau? Le champ de conscience (voir article 14-2 chapitre 2) de Benjamin Libet, s’il existe, a une portée très limitée. Il est engendré par les hémisphères, mais […]

  7. […] communiquer avec un autre cerveau? Le champ de conscience (voir article 14-2 chapitre 2) de Benjamin Libet, s’il existe, a une portée très limitée. Il est engendré par les hémisphères, mais […]

  8. […] l’espace comme nous l’avons vu dans l’article 14-2) avec les expériences de Benjamin Libet, plutôt que parce qu’une conscience "produite par le cerveau" aurait trouvé le […]

  9. […] l’espace comme nous l’avons vu dans l’article 14-2) avec les expériences de Benjamin Libet, plutôt que parce qu’une conscience “produite par le cerveau” aurait trouvé le […]

  10. Francois Loth dit :

    A Fabian :

    On peut comprendre, comme vous le dites, que le choix et la décision sont des conséquences d’autres événements causaux. Ce point de vue est justement une forme de déterminisme. Cependant vous dites que le choix et la décision ont une cause que vous identifiez comme étant « ce que l’on ressent ». Mais ce que l’on ressent n’est-il pas quelque chose qui se prépare lui aussi en amont dans l’activité neuronale ? Mais là vous passez au dualisme de la substance en parlant de « substance affective », autrement dit d’une substance cartésienne non étendue et qui demande une autre forme de causalité que celle que nous connaissons dans le monde physique.

    Quant à la substance noologique, je vous avoue la limite de mon investigation.

    Lorsque vous évoquez la complexité du comportement de l’Homo Sapiens par rapport à celui de l’abeille, ne postulez-vous pas une sorte de concept de libre-arbitre qui certes ne serait pas cette compétence extravagante des phénomènes de la conscience engendrant de nouvelles chaînes causales, mais qui naîtrait de cette complexité ? Au fond la liberté humaine est réelle et objective (autant qu’est réel le langage ou la musique dirait Daniel Dennett) ; elle n’est pas une illusion et peut être étudiée, comme un appendice à la théorie de l’évolution par exemple. Enfin c’est une option. Je vous avoue que je préfère toutes les options qui tentent de redéfinir le libre-arbitre plutôt que de l’éliminer.

    • fabian daurat dit :

      Redéfinir plutôt qu’éliminer, c’est une attitude sage en général, mais elle ne s’applique pas ici. C’est comme si vous cherchiez à redéfinir le géocentrisme. Il y a une révolution copernicienne à faire, c’est celle de la conscience. C’est n’est pas le choix qui fait le comportement, c’est le comportement qui fait le choix.
      Il n’y a que l’inclination. La décision, c’est une conséquence, un prolongement de l’inclination.
      Ce qu’il faut redéfinir, c’est la conscience.

      La liberté humaine est réelle dites-vous, c’est justement ce que je conteste vigoureusement. Qu’a-t-elle de réel? Le langage, y compris artistique (je suis moi-même musicien) est évidemment une réalité, mais il n’y a là rien qui implique nécessairement la notion de liberté. La complexité, elle non plus, n’a rien à voir avec la notion de liberté. C’est quoi la liberté finalement? Je ne comprends pas ce que c’est censé être. Je ne vois pas en quoi il faudrait parler de liberté pour Homo Sapiens, davantage qu’au sujet de tout autre système.
      Expliquez-moi ce que vous entendez par la notion de liberté. Si vous voulez bien!

      Le dualisme de la substance dites-vous? Je ne comprends pas ce que cela veut dire. S’agit-il du paradigme de l’esprit et de la matière? Il n’existe aucune frontière, dans mon esprit, entre ce que l’on appelle la « matière » (ce vide habité par d’étranges « objets » éparses, étrangement organisés, protons, neutrons et autres photons/électrons), et ce que l’on appelle « l’esprit » dont la manifestation est issue de l’activité de ces mêmes « objets » qui constituent le corps humain, en particulier dans cette gelée bio-électro-chimique qui nous sert de carte mère, le cerveau.
      L’esprit, tel que je le comprends, est à la matière, telle que je la comprend, ce que la flamme et au feu.
      Quant à la substance noologique, et bien, c’est la « matière » que l’on rencontre dans un environnement noologique, par opposition à la « matière » rencontrée dans un environnement physique, et/ou biologique.

  11. […] L’ultime dualisme de Benjamin Libet (François Loth) : […]

  12. Julian dit :

    Bonjour.

    Juste ce petit commentaire pour pointer (et non démontrer) l’analyse à la première personne, qui dans l’ordre de la subjectivité est importante.

    Nous pouvons remarquer ce phénomène du point de vue de la première personne. Nous pouvons même voir plus que ce que l’expérience citée donne à comprendre.
    Si nous portons notre attention sans interférer avec les contenus mentaux qui apparaissent dans le champ de celle-ci, nous pouvons suivre les processus habituellement inconscients qui aboutissent à une décision consciente, par exemple nous lever d’une chaise pour prendre un verre d’eau. Le processus en jeu est plus compliqué que d’appuyer sur un bouton, mais cela s’y apparente, sauf que le germe de la décision est bien antérieur si nous le situons sur une ligne temporelle et comprend de multiples facteurs qui concourent à l’émergence de la décision, que nous considérons habituellement, si nous ne sommes pas conscients du cheminement antérieur, comme notre volonté propre « libre ».
    Nous pouvons nous lever parce que nous avons réellement soif ou parce que cette idée est un prétexte à un inconfort volontairement enduré pour par exemple une méditation attentionnelle (la position, le froid, etc.) et que nous désirons rompre. Mais si nous n’avons pas vu le processus qui mène à la pensée « j’ai soif », nous considérerons que cette dernière initie l’intention d’aller boire. Au niveau conscient habituel, ce n’est pas faux, puisqu’il faut une pensée consciente pour qu’il y ait une volition. En deçà ce sont des forces physiologiques et psychiques, qui sont hors du champ de la conscience et de la volonté ordinaires, mais que nous pouvons saisir partiellement avec un peu d’exercice.

  13. MerlinII dit :

    A chaque fois que nous exécutons une action, même « simple », ou que nous percevons un signal, il y a traitement de l’information dans le cerveau par des dizaines, des centaines de cartes neuronales chacune composées de milliers ou de millions de neurones et plus encore de synapses.
    Le cerveau fonctionne selon un principe de parcimonie qui fait que seules parviennent dans les étages supérieurs, le néo-cortex, les informations déjà traitées et qui sont re-présentées pour un ou des traitements éventuels postérieurs
    L’expérience de Libet loin d’exclure toute idée de libre-arbitre ou de confiner ce libre-arbitre à une instance purement mécanique, nous montre au contraire que le processus de décision est déjà engagé avant que le résultat ne se présente au champ de la conscience. C’est l’ensemble du processus qui constitue l’acte de libre arbitre, car en amont, il y a déjà eu traitement de l’information et production d’un résultat, la décision.
    Le moi, le sujet, la conscience, peu importe le terme, ne gagnerait rien – au contraire – à assister à l’ensemble des opérations qui conduisent au choix.
    Mais c’est bien le sujet qui décide et agit
    La nature étant bien faite les deux opérations (ou les x opérations) se produisent quasi simultanément, ce qui est amplement suffisant pour nous donner l’illusion que c’est nous qui décidons, car de fait c’est nous qui décidons, puisque, à preuve du contraire, toute cette boîte crânienne appartient à un même sujet et que rien ne se passe en dehors.
    Car ce qu’il faudrait monter / analyser pour être complet c’est l’ordre de mission qui a été envoyé au cerveau par le cerveau au moment ou les inputs sensoriels ont été perçus et ont initiés le processus de décision
    Dans le schéma n°2 on a l’air de découvrir qu’il faut une activité cérébrale pour bouger le poignet

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