La cause déclenchante et la cause structurante

Dans la recherche d’un travail causal pour les propriétés de nos contenus mentaux, Dretske introduit deux genres de causes : la cause déclenchante et la cause structurante.

Une cause déclenchante est la cause immédiate d’un certain événement. La cause structurante, quant à elle, est un ensemble d’événements qui causent une cause déclenchante à produire son effet. Bouger la souris de mon ordinateur est la cause déclenchante du mouvement du curseur sur l’écran alors que le hardware et le programme de l’ordinateur forment la cause structurante. Une cause déclenchante de la production du mouvement M par l’état interne C, c’est-à-dire du comportement consistant dans le fait que C cause M, n’est rien d’autre qu’une cause de C qui est extérieure au système considéré. En effet, Drestke utilise la distinction structurante/déclenchante pour montrer comment les faits représentationnels, dont les propriétés sémantiques sont des propriétés externes aux individus, peuvent être des causes structurantes du comportement.

La stratégie que poursuit Dtretske consiste à séparer deux types d’explications : les propriétés sémantiques de nos états intentionnels expliquent une chose et les propriétés physiques (neurophysiologiques) en expliquent une autre. Pour Dretske, les explications sont sensibles aux contextes, la sélection d’une cause dépend de nos intérêts et d’une grande variété d’événements (2004, p. 167). La multiplicité de conditions sur lequel l’effet dépend possède à la fois une dimension synchronique et diachronique. Ainsi, à un temps donné, il existe une grande variété d’événements et de conditions synchrones sans lesquels un événement quelconque (E) ne se produirait pas. De plus, parce qu’une cause quelconque de la cause de E est aussi une cause, certes plus lointaine de E, il existe un aspect diachronique dans cette dépendance multiple. Pour Dretske, il n’y a pas à privilégier ou à opposer l’aspect proximal aux causes ultimes ou éloignées. L’explication causale d’un événement contient la cause structurante et la cause déclenchante. Dans ce contexte, il n’est alors plus question de compétitions entre les causes. En effet, pour Dretske, les propriétés intentionnelles (représentationnelles) ne sont pas les propriétés qui confèrent un pouvoir causal déclenchant. Ces propriétés n’interviennent qu’au niveau structurant. Elles ne s’opposent donc pas, elles ont seulement affaire avec deux facteurs causaux différents. En conséquence, les croyances et les désirs, au moment de l’action ne peuvent constituer la cause du comportement.

Ainsi, lorsque l’on veut répondre à la question du pourquoi ce bouton de sonnette à la porte retentit lorsque j’exerce une pression, Dretske répondra que c’est parce qu’une certaine connexion a été réalisée par un électricien. Ne trouve-t-on pas dans la réponse à ce « pourquoi » une réponse que nous n’attendions pas ? En effet, si la question centrale est celle du travail des contenus dans la cause d’un comportement, la réponse de Dretske constitue une réponse au « pourquoi » ces contenus ont causé ce comportement plutôt qu’un autre. Et c’est dans cette seconde réponse – la cause du comportement/production n’étant pas du ressort des raisons – que, selon Dretske, les contenus exercent leur travail.

On peut alors se demander ce qui reste de notre intuition « pré théorique » que la pertinence explicative de notre conception ordinaire de comment les raisons expliquent le comportement doit se dérouler dans l’ « ici et maintenant » de la relation causale. Ce que montre Dretske est, en effet, que la cause structurante de nos comportements échappe à cette intuition basique que nos pensées, croyances, désirs et autres sont des causes au moment t où l’action se produit. Peut-on alors encore attribuer le terme même de « cause », à qui ne pourrait n’avoir aucun lien dans la cause même du comportement, au moment t du comportement ?

Références


DRETSKE, F. (2004) “Psychological vs. Biological Explanations of Behavior”, Behavior and Philosophy, 32, p. 167-177.

16 Responses to La cause déclenchante et la cause structurante

  1. Bonjour François,

    C’est souvent la question que je me pose: en quoi les causes intervenant dans notre schéma explicatif sont-elles pertinentes ? Les causes et les croyances pourraient être des fictions intervenant dans l’interprétation d’un comportement.
    C’est ainsi qu’apparaît le désespoir d’un Davidson (dans l’identification d’une cause).

    Je vais bientôt recevoir le livre de Dretske

  2. Francois Loth dit :

    Bonjour laurence,

    Si l’on considère que l’explication causale est la recherche de la cause, il faut appliquer un concept de la causalité soutenant qu’il existe un événement responsable de l’effet et dans cet événement, déterminer quelle est la propriété pertinente. Il n’est pas sûr que la théorie de Dretske repoussant la pertinence causale des propriétés du contenu dans la « cause structurante » offre au mental une place effective dans le travail causal.

    Le livre de Dretske « Explaning Behavior » est néanmoins une tentative puissamment argumentée, (et sans désespoir) de faire une place effective des raisons dans la travail causal. Bonne lecture alors !

  3. LEMOINE dit :

    Est-ce qu’on n’est pas quand même un peu en train de réinventer l’eau tiède ? N’est-ce pas le propre de toute cause d’intervenir dans le cadre de contraintes structurelles plus ou moins contraignantes. De la physique à la sociologie en passant par l’économie, toute cause, toute action ou toute évolution ne se fait-elle pas dans le cadre d’un système incluant des contraintes de structure ?

    Il me semble qu’une autre espèce de causalité devrait intéresser l’étude de l’esprit, c’est celle que révèlent les syndromes du grand froid.

    Quand j’étais à l’armée nous étions entraînés à la résistance au froid. Là, on voyait des gens normalement robustes et résistants qui étaient saisis par le froid : ils tombaient tout droits, sans même fermer les yeux et ils se fracassaient au sol en se cassant le nez. S’ils n’avaient pas été secourus, ils pouvaient mourir sans plus faire un geste et reprendre conscience.

    Il nous paraissait évident qu’ils avaient été saisis par le froid ; que le froid, donc, était la cause de leur malaise. Or, qu’est-ce que le froid, sinon un non-être, une moindre agitation des atomes toute relative.

    Un non-être, mais bien réel, n’est-ce pas ce qu’est également l’esprit ? Une propriété du corps, un équilibre, une harmonie du fonctionnement de la matière cérébrale principalement qu’un dysfonctionnement du corps, une drogue, une hormone mais aussi bien un événement externe peut perturber .

    Quand le froid provoque la syncope c’est donc un non-être qui agit sur un autre non-être :

    Tout comme quand l’esprit réagit par la syncope également chez certains à la vue d’une goutte de sang. Tout comme également, un mot, ou tout évènement porteur d’un sens agit sur l’esprit.

    Un non-être agit sur un non-être. Une espèce de causalité très particulière donc qui est celle par laquelle l’esprit subit ou agit.

  4. Francois Loth dit :

    Ce dont nous avons à rendre compte, c’est du rôle causal des propriétés intentionnelles et pour cela Dretske développe un concept causal qui est la cause structurante.

    D’un point de vue explicatif très « souple » voire relâché, la notion de relation causale peut en effet se décrire sans rechercher ce qui dans l’événement/cause a produit l’effet. On peut même envisager qu’un non événement ou l’absence d’un événement puisse causer un autre événement. Cependant, si l’on est réaliste au sujet de la relation causale, on peut plutôt la décrire comme une relation singulière entre deux événements, dont le premier produit ou génère le suivant.

    La notion de « non-être » associée à « réel » est, pour moi, difficile à comprendre. Etre réaliste à propos de l’esprit et nommer celui-ci « non-être » est encore plus difficile à comprendre. Qu’une certaine agitation thermique soit un non-être, le mystère s’épaissit.
    L’ontologie analytique peut paraître un peu prosaïque, mais elle s’intéresse aux propriétés des choses et en l’occurrence aux propriétés pertinentes dans la relation causale. Une boule de billard roule parce qu’elle est sphérique ; elle appuie sur une balance parce qu’elle a une certaine masse ; elle pourrait émettre un son particulier si vous la frappiez avec un crayon car elle est solide.

    Si l’on est réaliste au sujet de l’esprit, on considère qu’il existe des propriétés mentales qui exercent une pression causale dans le monde et l’on doit pouvoir rendre compte de ce que sont ces propriétés mentales. Se dire réaliste au sujet du mental et ne pas chercher à rendre compte du travail causal des propriétés mentales n’est qu’une affirmation, ontologiquement « pas sérieuse », fruit de l’observation de nos pratiques cognitives qui ont tendance, c’est vrai à réussir. Mais expliquer la causalité mentale réclame plus qu’un point de vue plus ou moins « relâché » de l’explication.

    Si l’on prend la relation causale au sérieux, c’est-à-dire, si l’on considère que dans un événement certaines propriétés sont effectivement pertinentes on ne se contentera pas d’affirmer l’évidence de l’observation d’occurrences de causalité mentale, mais on essaiera de comprendre comment une chose pareille est rendue possible.

    Vous évoquez des occurrences de causalité mentale, comme la vue d’une goutte de sang qui provoque une représentation mentale qui, elle, cause une syncope. C’est en effet une occurrence d’événement mental qui produit un effet physique. Le statut ontologique de cette représentation mentale est alors posé. Qu’est-ce qu’une représentation mentale exactement ? Quelle est cette propriété mentale qui est susceptible d’agir sur un organisme physique ? Ce sont des questions métaphysiques que l’on doit chercher à clarifier. Ces questions concernent le statut des propriétés en général et des propriétés mentales en particulier.

  5. Cher Monsieur Lemoine,

    J’avais vu un stage du GIGN dans des conditions difficiles: les hommes en question devaient affronter le froid, le manque de sommeil. Ce ne sont pas des « non-être ». Mais à chaque fois, il s’agissait ,au sens cartésien du terme, de faire preuve de force mentale. Le plus robuste d’entre eux – capable de résister au froid – était ceinture noire de judo, et réussissait à réchauffer ses camararades… par son mental !

  6. LEMOINE dit :

    Monsieur Loth

    Voilà près de deux ans maintenant que je lis vos billets avec intérêt mais aussi avec surprise car ils me déconcertent toujours autant. J’évite d’y ajouter des commentaires car je sais qu’ils vous paraîtront toujours sans pertinence et, chaque fois que je le fais, je le regrette aussitôt.

    Je suis sans doute platement matérialiste mais je ne parviens pas à comprendre comment vous pouvez considérer « l’esprit » comme une espèce d’objet dont certaines « propriétés » seraient susceptibles de modifier les mouvements du corps. Personnellement, je ne parviens pas à comprendre l’esprit autrement que comme une activité du corps, plus spécifiquement du système cérébral (qui est si organiquement lié à l’ensemble du corps que la moindre perturbation du corps l’affecte). Est-il si surprenant de considérer la pensée comme une activité du corps. Après tout, comme le dit Spinoza : « qui sait ce que peut le corps ? »

    L’expression « un non-être, mais bien réel » qui m’est venue spontanément ce matin, me parait exprimer très simplement cette idée au fond très commune : la pensée n’est ni une chose ni la propriété d’une chose, elle n’en est pas moins réelle. Comme la nage, pour le poisson, n’est pas une chose : c’est l’activité du poisson par laquelle il avance effectivement. Et, je suppose, pour le poisson nager et penser qu’il nage sont une seule et même activité.

    Les activités humaines et le cerveau de l’homme sont infiniment plus complexes que celles du poisson mais pourquoi seraient-elles d’une nature différente ?Même s’il reste une infinité de questions auxquelles la science commence seulement à apporter des réponses.

    Par ailleurs, je ne sais pas si vos billets suivent le cours des idées du philosophe que vous commentez mais je suis assez surpris qu’après avoir présenté les comportements comme des processus (ou des enchevêtrements de processus), il puisse revenir à la notion plus archaïque de causalité.

  7. Francois Loth dit :

    Monsieur Lemoine,

    Je vous remercie pour votre fidélité. Sachez que je ne considère pas que vos commentaires soient sans pertinence, mais il est vrai que ce blog cherche à rester centré sur une certaine focalisation, à savoir la métaphysique analytique. Aussi, mes commentaires veulent restituer cette orientation.

    Bref, j’essaie de tirer le débat là où il se trouve dans les discussions métaphysiques contemporaines. Cela peut donner l’impression d’une forte contrainte dans le dialogue, mais ce blog, je le reconnais, n’a pas le trait de la discussion tout terrain.

    Je ne pense pas avoir écrit que l’esprit pouvait être une espèce d’objet. En effet, ne soutenant pas la thèse cartésienne, aujourd’hui tombée en quasi obsolescence, du dualisme des substances, je pense que nous avons à clarifier la notion de propriété mentale. Une propriété mentale est une propriété de notre cerveau. En ce sens, je vous rejoins lorsque vous dites que l’esprit est une activité du corps. On peut dire d’une propriété qu’elle est une manière d’être de la chose qui la possède. Lorsque vous affirmer que l’esprit est réel, vous vous considérez comme un ‘réaliste’ au sujet de l’esprit. C’est-à-dire que vous considérez que les prédicats mentaux comme avoir telle ou telle croyance ou éprouver une certaine douleur désignent d’authentiques propriétés que possèdent certains organismes. Etre une propriété n’est comme être un objet. Reste à savoir si les objets ne sont pas seulement des amas (faisceaux ?) de propriétés.

    Le centrage sur les propriétés est nécessaire si l’on veut rendre compte de la causalité. Dretske décrit le comportement comme un processus, mais il considère que la causalité est une chose à prendre au sérieux. La causalité n’est pas un concept archaïque. Plusieurs billets de ce blog justifient et expliquent pourquoi nous pouvons avoir recours à la notion de causalité. Et pour exister, c’est-à-dire pour considérer qu’une chose existe et soit réelle, elle doit pouvoir causer quelque chose. C’est pour cela que nous avons besoin de cette clarification ontologique au sujet du mental et que nous ne pouvons pas nous contenter d’énoncés qui nous parlent de la façon dont nous parlons de l’esprit plutôt que de ce qu’est l’esprit.

  8. patrice weisz dit :

    Bonjour François,
    Cette approche, purement pavlovienne n’est pas récente :
    Pavlov déclenchait une sonnette pour faire saliver ses chiens par réflexe conditionnel, après leur avoir présenté de nombreuses fois leur nourriture en présence du même son. Par la répétition il avait réussi à structurer leur « esprit » de sorte que celui-ci associe un son à une image ou une odeur agréable, n’ayant même plus besoin, une fois ce conditionnement réussi, de présenter les aliments réels pour les faire saliver.
    Le contenu représentationnel est ici clairement une cause structurante du comportement. Ce contenu fait partie de la mémoire du chien et cette mémoire n’est rien d’autre qu’une réorganisation physique de connexions neuronales, élaborée progressivement par la présentation récurrente du couple nourriture/sonnerie.
    Le signifié (la nourriture) est évidemment externe au cerveau, mais son image, son souvenir, est « cablé » électriquement dans un agencement neuronal complexe. Il est donc une propriété physique indéniable du corps, pouvant engendrer un processus comportemental en adéquation avec les lois de clôture du monde physique.
    Il n’y a ici aucun problème matériel : le chien agit comme une machine déterministe que l’on a programmé pour avoir la réponse que l’on désire en présence de l’input adéquat.
    La difficulté commence dès que l’on désire introduire le libre-arbitre, c’est-à-dire selon la terminologie de Dretske quand la cause déclenchante est intérieure.
    En effet, Il y aura toujours une explication causale convaincante pour justifier que l’ampoule s’allume quand j’appuie sur l’interrupteur.
    Par contre, si l’ampoule s’allume d’elle-même, sans la nécessité d’occurence d’un évènement extérieur, il devient alors illusoire de vouloir tenter d’analyser cela en introduisant une dichotomie artificielle (déclenchante/structurante) au sein du même système.
    Pour être plus clair, si je décide de me lever de ma chaise, sans raison apparente au sens littéral, uniquement pour justifier ma capacité à le faire parce que j’en décide ainsi, alors je suis le seul à pouvoir justifier mon comportement causalement, et aucun physicien matérialiste ni scientifique ne pourra, par la simple observation objective, en trouver l’explication : celle-ci sort de son champ d’investigation.
    Néanmoins, la cause déclenchante est bien réelle puisque qu’elle engendre un comportement observable, sans pour autant avoir les propriétés mesurables nécessaires à la science pour en établir l’existence.
    Quelle est alors la nature de cette cause déclenchante (ma volonté de me lever, traduite en acte) ?
    Appartient-elle au monde physique (dans ce cas elle est nécessairement soumise à un déterminisme incontournable des lois de la causalité matérielle) ?
    N’est-elle qu’une illusion ?
    Ou, pour finir, fait-elle partie de ce qui, dans mon esprit, n’est pas contenu dans l’agencement physique de mes neurones, si cela est ontologiquement possible ?
    C’est plutôt ici que le débat commence…

  9. Francois Loth dit :

    Bonsoir Patrice,

    Vous posez très bien le problème. Par contre, cette question au sujet de la cause : « Appartient-elle au monde physique ? » devient subitement curieuse. La métaphysique non transcendantale cherchera à comprendre le mental à l’intérieur de notre monde physique. Et cela ne doit pas nous inciter à penser, pour autant, que la cause mentale pourrait être une illusion. Alors pourquoi la cause mentale ne pourrait elle pas, en un certain sens être identique à une cause physique ? Reste à comprendre la distinction entre le mental et le physique qui reste essentielle. Une ontologie digne de ce nom doit pouvoir rendre compte de cette distinction.

  10. olivier massin dit :

    Bonjour François, et bravo pour cet excellent blog !

    Je réagi un peu tard à une de vos affirmations :
    « Se dire réaliste au sujet du mental et ne pas chercher à rendre compte du travail causal des propriétés mentales n’est qu’une affirmation, ontologiquement « pas sérieuse », »
    Vous souscrivez ici au principe (« Eleatic ») selon lequel n’est réel que ce qui a des pouvoirs causaux.
    Je ne suis pas sûr que ce principe soit vrai. Si l’on défini (approximativement) être réel comme « exister indépendamment de l’esprit », il y a un certain nombre de choses dont on peut penser qu’elles sont réelles sans être douées de pouvoirs causaux : (i) les nombres (ii) les valeurs (iii) les lois logiques. (iv) la relation de causalité elle-même (seuls ses termes ont des pouvoirs causaux, mais elle même ne cause rien). (v) la relation « être une partie » …
    Je pense que le principe Eleatique est vrai des objets matériels, mais qu’il y a uue autre partie de la réalité, qui n’a rien d’un non-être, mais qui est simplement constituée des choses formelles, et que ce principe est faux à leur égard.
    Maintenant je suis d’accord avec vous sur l’esprit, parce que je ne vois pas bien comment l’esprit pourrait être une chose formelle.

  11. Francois Loth dit :

    Bonsoir Olivier et merci pour ce commentaire.

    Le principe éléatique chez Armstrong ou le dictum d’Alexander chez Kim établissant un lien entre « pouvoirs causaux » et « être réel » ne s’applique effectivement qu’à une certaine classe d’entités. Il apparaît cependant très pertinent si l’on veut distinguer entre les véritables propriétés des choses de celles seulement dérivées de l’application de certains prédicats. Par exemple, si on se dit « réaliste » pour reprendre une de vos énumérations, au sujet des valeurs, cela consiste à penser que les prédicats normatifs désignent d’authentiques propriétés possédées par certains objets. On exprime parfois cette idée par la notion « d’engagement ontologique ». Si un prédicat de valeur s’applique vraiment à un objet, on aura tendance à s’engager ontologiquement en faveur de l’existence d’une propriété réelle qui serait une valeur. La question ontologiquement sérieuse est alors celle qui se demande si les prédicats s’appliquant de façon légitime à certains objets correspondent à de véritables propriétés, c’est-à-dire à des propriétés réelles possédées par ces choses. C’est ainsi, que je trouve que le principe éléatique ou le dictum d’Alexander, qui tous les deux posent l’existence de pouvoirs causaux ou dispositions permettent de discriminer entre les véritables propriétés de simples propriétés de Cambridge par exemple, pour reprendre le mot de Shoemaker. Quant à se demander si les propriétés mentales sont pertinentes dans la causalité mentales, il me semble, comme vous semblez le penser aussi, que sans pouvoirs causaux effectifs, il est bien difficile de postuler l’existence d’un esprit.

  12. olivier massin dit :

    Merci de votre réponse ! Pour utiliser le dictum d’Alexandre comme vous le faites, il faudrait être sûr qu’il n’existe pas d’entité réelle dénuée de pouvoir causaux, mais c’est cela que je conteste. S’il existe de telles choses alors l’usage du dictum d’Alexandre pour départager les propriétés réelles de celles qui ne sont que l’ombre des prédicats peut-être trompeur. Vous risquez de bannir des propriétés et relations parfaitement respectables. Encore une fois, prenez des relations telles que appartenir à un ensemble, l’exemplification, la ressemblance, être une contrepartie de, être localisé à, être une partie de, survenir, la conjonction logique, la dépendance existentielle…Chacune de ces relations est désignée par certains prédicats et est tenue pour être une relation ontologique fondamentale par certains métaphysiciens. Aucun d’entre eux ne sera près à dire qu’elle est irréelle. Toutes ne sont pas pas survenantes, et toutes ne sont pas à ranger aux côtés des pseudo-propriétés dont vous parlez. Etre une partie de est une relation ontologiquement plus importante que « aimer les alligators ou être le fils de Mireille Mathieu ». Mais elle n’a pas de pouvoir causaux. De même que les autres relations de cette liste il me semble.

  13. Francois Loth dit :

    Si l’on est réaliste à propos des propriétés des choses, celles-ci doivent posséder un pouvoir causal, telle est le sens que l’on peut donner au principe éléatique. Si l’on reconnaît qu’à chaque prédicat ne correspond pas une propriété, ce principe permet une discrimination radicale, je l’admets, entre véritables propriétés et les ombres des prédicats. Existe-t-il des propriétés et des relations qui ne possèdent pas de pouvoirs causaux mais que l’on peut qualifier de réelles ? Le critère éléatique ne propose pas quelque chose comme un engagement ontologique qui pourrait être progressif. Vous parlez de « relations ontologiquement plus importantes » que d’autres… Ce qui existe peut-il plus ou moins exister ? Bref, dans la liste évoquée, on trouve un ensemble de notions qui n’ont peut-être pas de rapport avec les propriétés véritables des choses. Pour en revenir à l’esprit, si la propriété mentale n’est pas pertinente causalement, si elle ne confère pas de pouvoirs causaux à son instance, être réaliste à son sujet sera difficile. Ici, le principe éléatique peut s’appliquer.

    Si le principe peut ou non s’appliquer dépendra de ce que l’on considère être une propriété. Si les propriétés sont des modes ou une manière d’être dont est la chose, le principe semble pouvoir s’appliquer.

    Le principe éléatique implique que l’on fasse un choix décisif, me semble-t-il entre la causalité comme production et la causalité comme dépendance contrefactuelle (ou influence selon le dernier Lewis). La causalité comme dépendance contrefactuelle permet certainement de considérer que certaines propriétés, suivant le principe éléatique soient qualifiées de réelles alors que selon la théorie de la causalité comme production, elles ne pourraient l’être. Bref, il apparaît que l’application du principe éléatique ne puisse pas être considéré seul.

    Pour partiellement conclure, si l’on se cantonne aux propriétés des entités concrètes (reste à définir ce que sont les objets et leurs propriétés) le pouvoir d’affecter ou de ne pas affecter d’autres entités dépend des pouvoirs causaux de ces entités. Et l’on peut dire que ces pouvoirs causaux dépendent des propriétés. Si une propriété ne fait de différence causale, elle va nous poser des problèmes épistémologiques. Elle serait une propriété qui, du fait qu’on la possède, ne ferait aucune différence. Cela ne devient-il pas un peu difficile à accepter ?

  14. Bonsoir,

    Je me permets de m’introduire dans la discussion entre Olivier et François. La question porte sur le principe éléatique, ou dictum d’Alexander. J’utilise pour ma part de préférence le terme de critère causal de réalité, qui me semble plus parlant en lui-même, mais ce n’est ici qu’une question de mots peu importante.

    Olivier se demandait si l’application du critère causal de réalité ne conduirait pas au rejet d’entités et de propriétés ontologiquement fondamentales d’un point de vue métaphysique. Ne faudrait-il pas alors plutôt rejeter le critère causal de réalité ?
    La réponse de François semble être de dire que le problème ne se pose pas, dans la mesure où le critère causal de réalité est destiné à s’appliquer aux propriétés des entités concrètes. De ce point de vue-là, il faudrait accepter le critère causal de réalité pour des raisons épistémologiques : comment pouvons-nous connaître l’existence d’une propriété si cette propriété ne fait aucune différence causale dans le monde ?

    Olivier propose en définitive un argument métaphysique contre le critère causal de réalité et François un argument épistémologique en faveur du critère causal de réalité.

    Je propose ci-dessous une reconstruction de l’argument épistémologique évoqué par François Loth. J’essaie ensuite de montrer que ce prétendu argument épistémologique en faveur du critère causal de réalité présuppose en fait la vérité du critère causal de réalité (l’argument “begs the question”).
    Puis je montre que même du point de vue métaphysique, les inquiétudes d’Olivier ne sont pas fondées : l’objection d’Olivier n’est pas concluante. Il existe même un argument métaphysique en faveur du critère causal de la réalité, qui ne me semble toutefois pas très convaincant.
    Finalement, je propose une modification du critère causal de réalité : ce n’est pas le rôle causal, mais plus généralement le rôle explicatif qui compte pour caractériser les propriétés réelles.

    I – Un argument épistémique en faveur du critère causal de réalité

    A – Reconstruction de l’argument

    L’argument épistémologique, ou épistémique en faveur du critère causal de réalité a pour défenseurs principaux Armstrong et Shoemaker.
    Je propose la reconstruction suivante de cet argument :
    (1) Le naturalisme est vrai.
    (2) Si le naturalisme est vrai, alors si P est une propriété réelle, cela signifie que soit l’existence de P est observable, soit l’existence de P est nécessaire pour expliquer certains phénomènes.
    (3) Si l’existence de P est observable, cela signifie que P a un rôle causal.
    (4) Si l’existence de P est nécessaire pour expliquer certains phénomènes, cela signifie que P a un rôle causal.
    –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
    Conclusion : Toutes les propriétés réelles ont un rôle causal.

    Je ne cherche pas à préciser ici la signification de chaque prémisse, mon message serait trop long.

    B – Critique de l’argument

    Le problème de cet argument réside essentiellement il me semble dans la prémisse 4. Cette prémisse suppose que seules les explications causales sont légitimes du point de vue du naturalisme. Or cette supposition semble elle-même présupposer le critère causal de réalité.
    En effet, l’idée qui guide le naturalisme est que les explications légitimes sont celles qui ne font appel qu’aux propriétés intrinsèques des choses, qu’aux propriétés qui caractérisent la nature interne même de ces choses.
    Seules ces propriétés-là sont considérées comme réelles. Et, c’est seulement en supposant que toutes les propriétés réelles ont un rôle causal, que l’on peut parvenir à l’idée que les explications légitimes sont celles qui ne font appel qu’à des propriétés qui ont un rôle causal.
    La justification de l’idée que seules les explications causales sont légitimes repose sur le critère causal de réalité. On ne peut par conséquent justifier le critère causal de réalité à partir de l’idée que seules les explications causales sont légitimes.

    II – Arguments métaphysiques contre et pour le critère causal de réalité

    Olivier a-t-il alors raison de remettre en cause le critère causal de réalité ?

    A – Critique de l’argument métaphysique d’Olivier contre le critère causal de réalité

    Olivier propose une liste d’entités, de propriétés et de relations qui ne semblent pas respecter le critère causal de réalité, mais qui devraient pourtant être considérées comme ontologiquement importantes.
    La liste est la suivante : (a) les nombres, (b) les valeurs, (c) les lois logiques et les relations logiques, (d) la relation de causalité elle-même, (e) la relation “être une partie de”, (f) la propriété d’appartenir à un ensemble, (g) la ressemblance, (h) la relation “être une contrepartie de”, (i) la localisation, (j) la survenance, (k) la dépendance existentielle.
    Il me semble qu’un défenseur du critère causal de réalité pourrait très bien exploiter l’analyse de Jackson et Pettit pour souligner que si ces entités, propriétés, relations n’ont pas d’efficacité causale en tant que telle, elles ont une pertinence causale, dans la mesure où elles programment la réalisation de certains effets. En ce sens, elles auraient tout de même un rôle causal et l’acceptation du critère causal de réalité ne conduirait pas à les rejeter.
    On serait alors conduit à distinguer peut-être dans la liste d’Olivier, d’une part les entités qui peuvent avoir une telle pertinence causale (a, b, c, d, e, i, j, k) et celles qui ne semblent pas en avoir (f ?, g, h). Or ces dernières semblent justement être des propriétés purement abstraites et construites par notre entendement.

    B – Un argument métaphysique en faveur du critère causal de réalité : l’argument dispositionaliste

    L’argument métaphysique d’Olivier contre le critère causal de réalité ne semble donc pas fonctionner. Bien plus, on trouve dans la littérature sur le sujet (chez Brian Ellis ou chez Mumford) un argument métaphysique également en faveur de ce critère. J’appelle cet argument l’argument dispositionaliste et je propose la reconstruction suivante :

    (1) Toutes les propriétés réelles sont des propriétés dispositionnelles
    (2) Toutes les propriétés dispositionnelles ont un rôle causal
    –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
    Conclusion : Toutes les propriétés réelles ont un rôle causal

    Là encore, je ne précise pas ici la signification de chaque prémisse.
    Je ne suis pas vraiment convaincu par cet argument. La prémisse 2 est analytique : cela fait partie de la définition même d’une propriété dispositionnelle qu’elle ait un rôle causal. Mais comment justifier la première prémisse ? La question reste ouverte.

    III – Du rôle causal au rôle explicatif

    A – Révision de l’argument épistémique

    Il me semble préférable de recentrer la question sur l’idée même d’un critère causal de réalité. J’ai essayé de montrer que l’argument épistémique en faveur de ce critère posait un problème dans la mesure où l’on considère que seules les explications causales sont légitimes.
    Mais ne peut-on pas desserrer ici la contrainte sur la notion d’explication ? Ne faut-il pas plutôt ici simplement parler d’explication, sans restreindre les explications légitimes aux explications strictement causales ?
    Il me semble en effet qu’il est légitime d’utiliser un critère de réalité dans lequel c’est le rôle explicatif, plutôt que simplement le rôle causal qui compte. On aurait alors l’argument suivant, qui n’est qu’une révision de l’argument épistémique en faveur du critère causal de réalité :

    (1) Le naturalisme est vrai.
    (2) Si le naturalisme est vrai, alors si P est une propriété réelle, cela signifie que soit l’existence de P est observable, soit l’existence de P est nécessaire pour expliquer certains phénomènes.
    (3) Si l’existence de P est observable, cela signifie que P a un rôle explicatif.
    (4) Si l’existence de P est nécessaire pour expliquer certains phénomènes, cela signifie que P a un rôle explicatif.
    –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
    Conclusion : Toutes les propriétés réelles ont un rôle explicatif.

    B – Un autre argument métaphysique en faveur d’un critère explicatif de réalité

    On peut également formuler un argument métaphysique en faveur du critère explicatif de réalité. J’appelle cet argument, l’argument inférentialiste.

    (1) Toutes les propriétés ont un rôle inférentiel, et se distinguent par le rôle inférentiel qu’elles ont.
    Donc : Les propriétés réelles se distinguent par le rôle inférentiel qu’elles ont.
    (2) Si les propriétés réelles se distinguent par le rôle inférentiel qu’elles ont, alors il est légitime de penser que les propriétés réelles sont les propriétés dont le rôle inférentiel est pertinent pour l’explication du réel, c’est-à-dire les propriétés qui ont un rôle explicatif.
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    Conclusion : Il est légitime de penser que toutes les propriétés réelles ont un rôle explicatif

    Si l’on accepte alors, sur la base de ces deux arguments ce critère explicatif de réalité, on peut alors considérer, sous certaines conditions, comme des propriétés réelles les propriétés qui faisaient encore problème dans la liste d’Olivier.
    La ressemblance et la propriété d’appartenir à un ensemble jouent un rôle explicatif dans le cadre de certaines théories métaphysiques (le fait qu’une chose possède une propriété s’expliquerait, dans ce cadre-là, par la ressemblance de cette chose avec d’autres choses, ou par l’appartenance de cette chose à un ensemble d’autres choses).
    La relation de contrepartie joue, dans le cadre de la théorie de David Lewis, un rôle explicatif de nos intuitions modales (le fait que j’aurais pu avoir moins de copies à corriger s’expliquerait par le fait qu’il existe une contrepartie de moi-même qui a moins de copies à corriger que moi).
    Le problème est alors de savoir quels sont les cadres explicatifs appropriés, légitimes, afin de déterminer comment le critère explicatif de réalité peut s’appliquer.

    Je m’arrête ici, mon message est déjà beaucoup trop long !
    Merci à Olivier et à François pour cette discussion très stimulante !
    Bien à vous,
    Cédric

  15. olivier massin dit :

    Merci Cédric, pour cet excellent post. Je continue à penser que le critère causal de réalité est faux voici pourquoi.

    Ta solution pour traiter les différentes entités apparemment réelles mais cependant dénuées de pouvoir causaux consiste à rédéfinir le critère causal : pour être réel, il ne faut plus avoir des pouvoirs causaux, il faut être pertinent causalement. Une première remarque est que cette stratégie ne sauve le critère causal qu’en le modifiant. Mais on peut effectivement avoir l’impression qu’elle en sauve l’essentiel. Mon problème est le suivant. Je suis d’accord avec toi sur le fait que la plupart des entités que j’ai mentionnées peuvent être pertinente causalement. Mais je ne pense pas que la catégorie « pertinent causalement » soit naturelle. Ca me semble être une catégorie ad hoc, inventée pour sauver le critère causal. Mon argument pour cela est que je ne vois pas ce qu’il y a de commun entre (i) être une cause possible (ii) être une relation de causalité (iii) être un déterminant non causal d’une cause possible ou d’un effet (tu ne détailles pas comment « être une partie de » ou « impliquer » pourraient être pertinent causalement, je fais l’hypothèse que c’est selon ce troisième point). Une façon d’unifier ces trois types de « pertinence causale » serait de recourir à leur rôle fonctionnel, ou causal. Mais d’une part cela introduirait une certaine circularité, et d’autre part il n’est pas du tout évident qu’elles partagent toutes un même rôle causal.

    Sur l’argument dispositionnaliste pour le critère causale de réalité, il me semble que certains dispositionnistes auraient tendance au contraire à prendre ton modus ponens pour leur modus tollens : c’est parce que le critère causal est vrai que toutes les propriétés sont dispositionnelles, et non l’inverse. D’autre part, je ne pense pas qu’il y ait aucune propriété simple monadique et dispositionnelle (il y a toujours une complexité et des relations cachée quand on parle de dispositions). Donc je nierai la première prémisse. Et bien que je sois loin d’avoir tout lu sur le sujet, je n’ai encore jamais vu à quoi pourrait ressembler une théorie dispositionnaliste de la causalité (je crois que Mumford est en train de travailler là dessus, peut-être qu’il a sorti quelque chose ?)

    Sur l’argument épistémologique plusieurs choses (une seule pour l’instant en fait car je dois filer excusez moi). La première prémisse affaiblit beaucoup l’usage qui peut être fait ensuite du critère causal de réalité : c’est souvent un critère qui est utilisé en faveur du naturalisme. S’il repose sur lui, ça ne peut plus être le cas.

    Donc le critère causal est faux !

    Voilà, merci encore à tous les deux et à bientôt !

  16. Francois Loth dit :

    Merci Cédric pour ce long commentaire construit et à Olivier pour sa ténacité … Le commentaire de Cédric aborde plusieurs points, celui de l’explication causale en particulier qui pourra faire l’objet d’un billet (après l’été sans doute !). Je me bornerai pour l’heure à ajouter quelques remarques concernant le Critère Causal de Causalité qui se trouve être à la base des théories causales des propriétés de Shoemaker en particulier (1980, 1998). En effet, ces principes attachant réalité et pouvoirs causaux auront été utilisés principalement à propos des propriétés des choses. La liste proposée par Olivier contient un grand nombre d’entités, je pense à la « ressemblance » par exemple, qui peut être pensée comme une notion primitive, qui échappent au critère causal. Bref, Olivier pourrait peut-être admettre que l’on puisse légitimer le critère causal en l’appliquant au moins aux propriétés.

    Le critère causal de réalité (CCR) introduit par M. Kistler, correspond au dictum d’Alexander et au principe éléatique. « Selon ce principe, pour qu’une entité soit réelle, il est nécessaire et suffisant qu’elle soit capable d’interagir causalement ou de contribuer à des interactions causales » écrit Kistler (2004, p. 214). En effet, la quantification sur les propriétés est bien difficile en dehors de contextes causaux. Ce dont nous parlons ici, c’est de pouvoirs causaux que les propriétés confèrent à leurs instances. En général, il est admis que les instances de certaines propriétés possèdent des pouvoirs causaux et le CCR s’applique à ces instances. La question porte alors sur l’origine de ces pouvoirs causaux (points de vue opposés d’Armstrong et de Shoemaker par exemple). Ce que remet en question Olivier est le CCR lui-même. Si on en reste aux propriétés des choses, il s’agit de se demander si il existe des propriétés qui n’ont pas de pouvoirs causaux. C’est-à-dire si il existe des propriétés qui ne font pas de différences à leurs porteurs ?

    Si les pouvoirs sont les propriétés intrinsèques à leurs porteurs alors toutes les propriétés extrinsèques à leurs porteurs ne sont pas des pouvoirs. Alors on peut se poser la question : existe-t-il des propriétés extrinsèques irréductibles et ontologiquement inéliminables ou est-ce que les seules propriétés véritables sont celles qui sont intrinsèques aux objets ? Si il existe de véritables propriétés extrinsèques quelles sont elles ? Il s’agit bien sûr de les différencier des simples propriétés de Cambridge qui, elles, ne sont pas des propriétés mais seulement des prédicats.

    Pour George Molnar, dans son ouvrage « Powers », à la fois certains pouvoirs et certains non pouvoirs exercent des différences causales. Cependant, il insiste pour dire que les propriétés qui ne confèrent pas de pouvoirs et qui ont néanmoins un rôle causal sont expliquées par les pouvoirs fondamentaux dans la nature à exercer une force qui est sensible à son environnement. Certes les arguments de Molnar nécessiteraient des précisions mais cela ne semble pas remettre véritablement en cause le CCR.

    Références :
    – Kistler (2004) « Compatibilité di combinatorialisme et du réalisme ontologique » dans La structure du monde, VRIN.
    – Molnar (2003) Power, Oxford University Press.

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